Analyse de la doctrine de la Nièvre de février 2021 pour un développement maitrisé de l’agrivoltaïsme

Face aux demandes croissantes concernant des projets photovoltaïques sur terre agricole, la chambre d’agriculture de la Nièvre a décidé en février dernier de délibérer sur le sujet et de concevoir un cadre local pour le développement des projets.

Cette délibération a conclu à l’intérêt des projets agrivoltaïque, sous les conditions suivantes :

  • Démontrer la synergie de fonctionnement entre le photovoltaïque et l’activité agricole. 

Cette condition n’est pas plus détaillée, sinon que cette synergie doit permettre une agriculture résiliente. On peut supposer que l’évaluation de cette synergie sera à l’appréciation de la Chambre d’agriculture, mais aussi des services instructeurs pour lesquels la Chambre suggère la création d’une commission qualifiée en appui. 

  • Le gestionnaire de la centrale agrivoltaïque se doit de verser une rémunération à l’exploitant agricole de la centrale, à travers un cadre contractuel. 

Il n’est pas précisé si le loyer est compris dans cette rémunération ou s’il s’agit d’un contrat uniquement à destination de l’exploitant effectif des parcelles. La chambre fixe ce montant à 1000€/ha/an, qui n’est pas compris dans les mesures de compensation collective. 

On peut se poser la question de comment a été fixé ce montant. Il est logique de rémunérer le travail fourni, et même d’offrir un soutien solide aux besoins spécifiques de l’exploitation, sous réserve d’un cahier des charges. 

Cependant, tous les exploitants concernés n’auront ni les mêmes besoins, ni les mêmes responsabilités dans la gestion du parc, et il nous semble que cette rémunération devrait prendre en compte cette variabilité. De même, il est possible qu’une rémunération aussi importante, si elle n’est pas justifiée par un cahier des charges strict, pourrait entraîner une jalousie toute compréhensible de la part des autres exploitants non concernés par le projet.

  • Le gestionnaire se doit, en retour de l’effort consenti par le monde agricole pour le développement des projets, de participer au financement des projets de territoires agricoles et alimentaires. Dans l’objectif d’encadrer et financer ces projets de territoire, il sera créé le Groupement d’Utilisation de Financements Agricoles de la Nièvre (GUFA).

C’est à ce groupement que sera versée la rémunération de l’exploitant agricole en cas d’absence ou d’échec à assurer le fonctionnement de la centrale et de l’activité agricole. Le GUFA recevra également une contribution de la part du gestionnaire de la centrale pour le développement des projets de territoire, à hauteur de 1500€/MW/an, contribution qui ne sera pas comprise dans les mesures de compensation collective.

Ce montant pose également la question de son calcul. La mise en place d’un mécanisme de participation à un fond agricole est tout à fait cohérente, et participe à la redistribution de valeur du photovoltaïque pour l’intégralité du territoire agricole. Cependant, il nous paraît pertinent que son montant soit justifié par un besoin local, et raisonné également en fonction des possibilités du gestionnaire. 

L’un des piliers de l’agrivoltaïsme est également de permettre une production d’énergie rentable, à condition que cette dernière ne diminue pas la capacité de production agricole. Il nous semble que le total du montant à payer, entre loyer, compensations collectives, aide au financement de l’atelier agricole, rémunération de l’exploitant et fond agricole,  ne devrait pas être rédhibitoire au point de supprimer toute rentabilité de l’exploitation photovoltaïque.

  • Le développement des projets doit s’accompagner d’une participation des collectivités territoriales. 

Ces dernières devraient consacrer 50% de la fiscalité issue du parc agrivoltaïque aux projets de territoire financés par le GUFA. Cette décision participe là aussi à la volonté de redistribuer la valeur des projets photovoltaïques à l’ensemble du territoire.

Au niveau du territoire, la puissance cumulée des centrales sur terre agricole ne devrait pas dépasser 2000 MW, afin de limiter la mobilisation des terres à moins de 1% de la SAU du département. Le document suggère également de répartir le plus équitablement possible cette puissance sur le territoire.

  • D’un point de vue technique, le développement des projets doit s’accompagner d’une étude préalable de l’exploitation agricole existante. La surface du parc ne devrait pas couvrir plus de 50% de la SAU de cette exploitation, pour un maximum de 70 hectares. Le développeur devra justifier de la compatibilité de l’activité agricole, et proposer un suivi technique et économique des parcelles de ou des exploitations concernées. La doctrine impose que ce suivi soit financé par le gestionnaire, et confié à la Chambre d’agriculture.

Les éléments techniques proposés semblent tout à fait cohérents, le fait de limiter la surface permet de faire profiter plus d’exploitations du développement de l’agrivoltaïsme, et le suivi technique et économique apparaît essentiel pour obtenir un retour d’expérience et arriver à la maturité de la filière. On peut cependant se demander s’il ne serait pas tout aussi pertinent de laisser le choix de ce suivi à la chambre ou à des experts agricoles indépendants, solution qui pourrait apporter une dynamique supplémentaire au territoire.

En conclusion, si on peut féliciter la chambre d’agriculture de chercher à s’emparer du sujet de l’agrivoltaïsme, on peut craindre que leur doctrine soit un peu trop pénalisante pour le développement des projets dans le département. On espère en tout cas que ces initiatives locales mèneront, à terme, à une uniformisation du cadre de l’agrivoltaïsme au niveau national.